A l’occasion de vacances sur la côte atlantique, un journaliste britannique a découvert ce que voulait dire l’expression « prendre le temps de vivre ».
Cet été, nous avons passé nos vacances en Vendée. Devant la pléthore de plaques minéralogiques britanniques et d’enfants arborant des maillots de Frank Lampard, le jouer vedette du club de Chelsea, j’ai d’abord cru que nous avions échoué en Cornouailles ou dans le Devon. D’après la Barclays, 50 000 Rosbifs – comme ils nous appellent – acquièrent des maisons en France chaque année et colonisent ainsi des pans entiers de Dordogne, de Normandie, de Bretagne, de Provence et du Languedoc-Roussillon. Pourquoi cet engouement ? Le soleil, la cuisine, le vin et les paysages idylliques y sont pour quelque chose. Mais je crois surtout que nous sommes conquis par l’attachement presque obsessionnel des Français au fait de prendre le temps de vivre. A Saint-Valérien, le village où nous avons séjourné, les cloches de l’église continuent de rythmer la journée et d’appeler les paysans aux champs et à table. Les plages se vident à 12 h 30, heure où les familles françaises vont déjeuner, et seuls les Anglais et les Hollandais continuent de rôtir sur le sable. Quant au supermarché Casino, j’eus beau fulminer et tempêter devant les portes closes, pas moyen de faire des emplettes pendant la sacro-sainte heure du déjeuner.
La France est dépositaire d’une civilisation raffinée qui encourage les gens à avoir des horaires décents, à prendre leur repas dans le calme et à passer du temps avec leur famille. La loi interdit aux employés de travailler plus de 35 heures par semaine. Les heures supplémentaires sont strictement contrôlées, et les travailleurs français peuvent avoir jusqu'à 6 semaines de congés payés. Du suicide économique me direz-vous… Peut-être. Mais cette résistance à l’air du temps et ce culot de croire qu’ils peuvent résister à la mondialisation forcent l’admiration.
Je sais que la France a des défauts, mais je ne crois pas que les horaires décents qu’elle pratique en fassent partie. Par heure travaillée, les Français comptent parmi les plus productifs au monde : ils ont, par exemple, une productivité de 7% supérieure à celle des américains. Les Danois, qui travaillent en moyenne six minutes de plus par semaine que les Français, occupent la quatrième place au monde en termes de productivité. Voilà qui tend à démontrer que ce n’est pas parce que les Français travaillent moins que leur compétitivité est en berne.
Pourtant le PIB français par habitant est bien plus faible que celui des Etats-Unis. Mais, en contrepartie, les Français passent beaucoup plus de temps avec leurs familles et leurs amis, et n’ont pas à se soucier de trouver une bonne école pour leurs enfants ou d’économiser de l’argent pour être bien soignés. Perdent-ils vraiment au change ? Une nouvelle étude sur le temps de travail réalisé à Harvard et à Dartmouth montre, statistiques à l’appui, que le fait de travailler moins rend les Français plus heureux, et ce malgré le manque à gagner.
Après avoir passé quatre heures coincé dans le train du retour, puis une heure à faire la queue dans le tunnel de Dartford, la France me paraissait déjà bien loin. Depuis, le championnat de foot a redémarré, je vais devoir encore travailler ce week-end et la bonne vieille hostilité antifrançaise à repris le dessus.
Ian Wylie, The Guardian, Londres
Publié par Courrier International du 9 janvier 2008
Cet été, nous avons passé nos vacances en Vendée. Devant la pléthore de plaques minéralogiques britanniques et d’enfants arborant des maillots de Frank Lampard, le jouer vedette du club de Chelsea, j’ai d’abord cru que nous avions échoué en Cornouailles ou dans le Devon. D’après la Barclays, 50 000 Rosbifs – comme ils nous appellent – acquièrent des maisons en France chaque année et colonisent ainsi des pans entiers de Dordogne, de Normandie, de Bretagne, de Provence et du Languedoc-Roussillon. Pourquoi cet engouement ? Le soleil, la cuisine, le vin et les paysages idylliques y sont pour quelque chose. Mais je crois surtout que nous sommes conquis par l’attachement presque obsessionnel des Français au fait de prendre le temps de vivre. A Saint-Valérien, le village où nous avons séjourné, les cloches de l’église continuent de rythmer la journée et d’appeler les paysans aux champs et à table. Les plages se vident à 12 h 30, heure où les familles françaises vont déjeuner, et seuls les Anglais et les Hollandais continuent de rôtir sur le sable. Quant au supermarché Casino, j’eus beau fulminer et tempêter devant les portes closes, pas moyen de faire des emplettes pendant la sacro-sainte heure du déjeuner.
La France est dépositaire d’une civilisation raffinée qui encourage les gens à avoir des horaires décents, à prendre leur repas dans le calme et à passer du temps avec leur famille. La loi interdit aux employés de travailler plus de 35 heures par semaine. Les heures supplémentaires sont strictement contrôlées, et les travailleurs français peuvent avoir jusqu'à 6 semaines de congés payés. Du suicide économique me direz-vous… Peut-être. Mais cette résistance à l’air du temps et ce culot de croire qu’ils peuvent résister à la mondialisation forcent l’admiration.
Je sais que la France a des défauts, mais je ne crois pas que les horaires décents qu’elle pratique en fassent partie. Par heure travaillée, les Français comptent parmi les plus productifs au monde : ils ont, par exemple, une productivité de 7% supérieure à celle des américains. Les Danois, qui travaillent en moyenne six minutes de plus par semaine que les Français, occupent la quatrième place au monde en termes de productivité. Voilà qui tend à démontrer que ce n’est pas parce que les Français travaillent moins que leur compétitivité est en berne.
Pourtant le PIB français par habitant est bien plus faible que celui des Etats-Unis. Mais, en contrepartie, les Français passent beaucoup plus de temps avec leurs familles et leurs amis, et n’ont pas à se soucier de trouver une bonne école pour leurs enfants ou d’économiser de l’argent pour être bien soignés. Perdent-ils vraiment au change ? Une nouvelle étude sur le temps de travail réalisé à Harvard et à Dartmouth montre, statistiques à l’appui, que le fait de travailler moins rend les Français plus heureux, et ce malgré le manque à gagner.
Après avoir passé quatre heures coincé dans le train du retour, puis une heure à faire la queue dans le tunnel de Dartford, la France me paraissait déjà bien loin. Depuis, le championnat de foot a redémarré, je vais devoir encore travailler ce week-end et la bonne vieille hostilité antifrançaise à repris le dessus.
Ian Wylie, The Guardian, Londres
Publié par Courrier International du 9 janvier 2008
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire